Rien à battre de la j-music

Publié le par Ananda

Parce qu'il y a des gens que je respecte (qui ne sont évidemment pas ceux qui font le plus de bruit),  voire admire, j'ai décidé d'ouvrir aujourd'hui une nouvelle rubrique assumant mes vélléités de phagocytose qui sera consacrée aux articles de blogueurs plus ou moins "célèbres" (toute proportion gardée, personne n'est célèbre dans ce "milieu") qui ont accepté d'écrire un petit quelque chose pour mon blog. Aujourd'hui nous retrouvons le délicieux Epikt, propriétaire obsédé du non moins délicieux blog suki-suki-daisuki que je remercie de s'être prêté au jeu et d'avoir été intelligent à ma place.

Mise en contexte : il y a de cela (ouhla !) déjà longtemps (si ça se trouve il avait oublié) le père Ananda m’a demandé si je pouvais pas écrire un petit quelque chose pour son blog, sûrement dans le but sournois de voir un peu de ma notoriété mondiale déteindre sur son misérable bouiboui – qu’il est naïf, c’est mignon. Je ne me souviens plus du cahier des charges, on va donc faire sans. Mais je suppose qu’il fallait y parler de l’Inimitable Sumo en Tutu et y raconter sa vie. Le premier point n’est pas garanti, mais voilà déjà le second : j’aurais bien aimer affirmer que l’idée de cette jolie tribune me fut venue au sortir d’un rêve (authentique et particulièrement terrorisant) où je faisais du covoiturage avec Alex Pilot et M. Poulpe, mais non, il puise sa source dans l’enthousiasme naïf (et mignon lui aussi) d’un nouvel arrivant sur le forum d’un site bien connu et bientôt mort qui entre autres rêvait d’un A-Nation en France...
Rien de nouveau sous le soleil, mais si on s’interdisait certains sujets sous prétexte qu’ils ne sont pas de première fraîcheur, où irait-on ma brave dame ?

NB : Pour contrebalancer la mesure et la tempérance de mon propos cet article sera illustré d’un péremptoire « mais comment qu’on fait pour ne plus être un toquard qui écoute Koda Kumi ? » séparant le bon grain de l’ivraie : réjouissez-vous, vous n’avez même plus besoin d’avoir bon goût pour faire semblant, vous n’avez qu’à suivre mes conseils !
(pour satisfaire à la Ananda-touch il est bien évidemment réalisé avec Paint et très très moche)


Judy and Mary vs An Cafe

Rien à battre de la j-music donc.
(les plus observateurs auront remarqué l’absence de point d’interrogation)

Bref, on trouve souvent sur les sites et forums, de fans comme de pros, (dans leur bouche aussi je suppose, mais je n’ai pas la chance de fréquenter ces gens) des références à cette fameuse j-music et à sa promotion, mission dont les personnes suscitées s’auto-investissent à divers niveaux. Et voilà qu’on nous fait miroiter un monde merveilleux où, grâce aux efforts de ces pionniers, les stars d’Avex côtoieraient sans complexe les têtes d’affiches anglo-saxonnes sur MTV, le gaulois lambda ne ferait pas une WTF-face à l’écoute d’une chanson en japonais et où Ayumi ferait un concert (complet, forcément) par an à Montpellier.
(effet secondaire non désiré : il faudrait alors à tous ces adolescents en quête de singularité chercher autre chose pour jouer les incompris et faire chier Papa Maman, Gackt-sama tournant désormais en boucle dans l’autoradio familial ; mais c’est un autre débat)
C’est cela le but de la « promotion de la j-music » et aucun auditeur de musique japonaise pourrait y trouver à redire, n’est-ce pas ?

Bah si, justement.


Lily Chou-Chou vs Ayumi Hamasaki

En tant que blogueurs, chroniqueurs dans je ne sais quel média, organisateurs de concerts, distributeurs de disques, etc... (voire même simples mélomanes) nous avons choisi un domaine d’exploration privilégié, à moins qu’il ne s’agisse d’un domaine de prédilection qui se soit imposé à nous. Pour faire vite et large, nous le désignons comme « la musique japonaise ». Mais il ne faut pas se méprendre sur ce que l’on entreprend de défendre : investir le champ de la musique japonaise ne nous demande surtout pas de promouvoir « la musique japonaise », ce qui serait une erreur (en plus d’une faute de goût).
La question n’est pas spécifique à la j-music – j’y ai déjà été confronté en écrivant sur le cinéma, un certain nombre de personnes nous demandent de partir en croisade pour « le cinéma japonais / asiatique / d’auteur / de genre / du réel / whatever / ... » – mais, parce qu’il s’agit d’un domaine à la fois à potentiel populaire et faiblement médiatisé, elle s’y pose avec une particulière acuité.

Il est donc préférable de savoir un peu ce dont on a envie.
Et personnellement j’ai pas forcément envie de voir débarquer « la musique japonaise » chez les disquaires, salles de concerts et média français. Pas parce qu’elle y perdrait son âme et moi mon privilège d’initié (m’enfin, semblé-je à ce point égoïste ?), mais parce que dans ses grandes largeurs la musique japonaise n’est pas particulièrement glorieuse : tout simplement j’aimerais que les japonais soient gentils et gardent leurs merdes chez eux.
Je n’ai pas non plus envie que les artistes dont j’apprécie le travail et que pour le coup j’aimerais promouvoir le soient sous l’étiquette « musique japonaise », et encore moins en même temps que cette étiquette. Ce sont les artistes que j’ai envie de mettre en avant, à la rigueur une certaine scène particulièrement cohérente, pas le genre qu’ils empruntent et encore moins le pays d’où ils viennent.


Yumi Nakashima vs Mika Nakashima

<aparté>
C’est une des raisons pour lesquelles ici ou ailleurs on a pu pester contre la programmation de Nolife (moui, tirer contre l’ambulance faisait aussi partie du cahier des charges, ce qui est particulièrement dégueulasse, surtout en ce moment) qui fait feu de tout bois tant que cela relève de « la musique japonaise ».
Dans le même ordre d’idée les rayons « j-music » de certains points de vente (FNAC des Champs-Élysées), qui font pourtant grand plaisir aux fans, nous font bien marrer.
</aparté>


Midori vs Scandal

Ainsi suis-je persuadé que voir Ikuko Harada en concert doit être quelque chose d’assez merveilleux et j’aimerais bien qu’elle vienne en France.
Mais sa venue passe-t-elle par celle de je ne sais quel groupe de visual-kei, girl-band en jupettes, chanteuse de electro-r’n’b-pop à vocalismes ou interprète de génériques d’anime ? Et surtout qui peut raisonnablement croire que, dans une démarche globale de promotion de la « j-music », la notoriété de Kokia et consort puisse aider à celle de Harada ?
Rien ne me dit que la situation prétendue idyllique décrite en début d’article soit en quoi que ce soit favorable aux artistes que j’ai envie de défendre, bien au contraire.

Pas la peine d’être devin pour deviner ce qui surnagera d’une plus grande visibilité de la « j-music » ; il ne s’agit ni plus ni moins de ce qui fonctionne en ce moment et que les labels français commence à travailler (mini-liste juste au dessus). C’est à dire une production qui n’a bien souvent de musicale que le nom et dont la popularité est pour une grande partie subordonnée à la mangamania et/ou au culte de l’exoticu-japan. Voilà un marché qui ne me semble ni très sain, ni particulièrement favorable à ce qui sort des sentiers battus.


Michiyo Yagi vs Rin'

Je sens d’ici venir les raisonnements fallacieux qui essayeront de me présenter cette situation comme bénéfique pour tous.
Donc non, le développement d’un marché et d’un public pour la production commerciale bas de gamme ne favorisera pas l’émergence d’un espace pour une production plus confidentielle et davantage digne d’intérêt. Contrairement à ce qu’affirme le dicton ce n’est pas sur le fumier qu’on fait pousser les roses, pas plus que bouffer de la merde n’affine le palais. On en vient au second raisonnement foireux : la fanbase ne mûrira pas avec le temps (si ce n’est une poignée d’individus à la marge : non significatif) et les inclinaisons du gros du troupeau resteront grosso modo les mêmes (le milieu regorge d’exemples de types écoutant de la musique jap depuis 10 ou 15 ans et qui en sont encore à Ayumi).
Au contraire, l’émergence d’un vrai marché de la j-music consacrera la production commerciale, à laquelle on avait jusqu’à présent (relativement) échappé. En effet, quand il s’agit d’importation d’une production préexistante (car nous n’irons pas jusqu’à penser que le marché français influe sur la production nipponne), un marché non investit massivement est favorable à la production « alternative » (si ce n’est particulièrement pointue, faisant régulièrement preuve d’une certaine qualité) qui profite de l’absence de concurrence. Mais quand la production commerciale aura débarqué et que l’idée d’un rayon « j-music » aura fait son chemin, la production alternative (quand bien même elle aurait profité du mouvement pour augmenter en volume) sera submergée par le nombre.
Pire que ça, parce qu’elle aura acquis un poids et une visibilité, l’image de la production commerciale (peu respectable s’il en est dans 98% des cas) pèsera sur celle de la production alternative, classée sous la même étiquette et noyée dans la masse.


Zazen Boys vs L'Arc~en~Ciel

Cette confusion n’entachera pas la production (grossièrement) dite « underground », qui de toute manière bénéficie déjà d’une distribution dans nos pays ; il n’en est malheureusement pas de même pour des artistes oeuvrant dans des styles qu’on rapprochera plus facilement de ce qui sort sous la bannière « j-music », la pop en tête (vous pensez bien que plus haut je n’ai pas pris Harada comme exemple au hasard). C’est à dire justement ceux qui nous tiennent à coeur et que de temps à autres nous tentons de promouvoir (dans l’indifférence la plus totale bien souvent).
Dans ce contexte, promouvoir la « j-music » est alors un peu comme répandre la fumée qui nous rendra invisible : se tirer une balle dans le pied.
Bref, ça commencera à aller un peu mieux pour la musique japonaise en France quand ceux qui en font la promotion se seront mis dans la tête qu’ils feraient mieux de s’en foutre.

Epikt,
Suki-Suki-Daisuki pour Ananda Network, à vous les studios...

Publié dans Ananda et ses amis

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I
<br /> Dommage, ça marcherait mieux de cette manière, ils pourraient faire des conventions moins axées sur les mangas et plus sur la musique. Mais bon, c'est claire que les partenaires de ces événements<br /> voudront caser leurs merdes.<br /> Faire de la com lors de conventions pourquoi mais dans ce cas là, faut s'accrocher tenir 3 jours enfermés dans une ambiance entre l'hystérie et le lavage de cerveau de l'ouverture à la fermeture,<br /> il faut espérer que ça intéressera les gens.<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Le 26 janvier dernier, en première partie de Doug Sharin au Point Ephémère.<br /> https://www.pointephemere.org/spip.php?article608<br /> Je l'ai appris trop tard, malheureusement.<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Harada Ikuko est venue en France!?! Ca y est, ma journée est fichue... T_T<br /> <br /> Je veux une centralisation des info-concerts bon sang! (et pas que pour la J-Music d'ailleurs)<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Je ne vais pas répondre pour Ananda (qui te raconteras, s'il le veux, comment il a couché avec les quatre cinquièmes du "milieu" j-music français), mais je suis pour ma part 100% amateur - que ce<br /> soit au niveau musique (qui n'est d'ailleurs qu'une passion secondaire) ou journalisme -, et j'ai absolument aucune envie de me professionnaliser.<br /> <br /> Organiser des concerts en partenariat avec les conventions me semble une mauvaise idée, en tout cas elle va à l'encontre de ce que je développe dans cet article, pour la simple et bonne raison que<br /> 98,194% des conventions sont des conventions manga (même quand elles s'appellent "japan machin").<br /> Par contre communiquer dans les conventions, et plus généralement auprès des médias japonisant, why not. C'est même parfois frustrant quand un musicien japonais passe en France et qu'on n'est pas<br /> au courant parce que son concert n'est promu que par les canaux habituels (non, je ne citerai pas Ikuko Harada, qu'à ma grande honte j'ai loupée).<br /> <br /> <br />
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I
<br /> Mais, blague à part, vous êtes de simples amateurs? Y a-t-il des plus ou moins pros parmis vous dans le journalisme et sinon y a-t-il un moyen d'organiser des concerts lors de conventions,<br /> seulement au lieu de les organiser comme activités intégrantes les mettre à part et passer un deal pour cela avec des salles plus ou moins grandes? (ex: une fois la journée de convention terminée à<br /> 20h00 y a des concerts qui commencent mélangeant aussi bien gros succès commerciaux que des scène plus underground). Après tout la majorité des festivals en France sont quand même plus basés sur<br /> l'Underground malgré certaines têtes d'affiches tout comme au Japon, alors pourquoi serait-ce impossible à réaliser pour un concert de musique Jap ( au sens large et pas seulement ce qu'on appelle<br /> la J-Music)?<br /> <br /> <br />
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